4 Déc 2016 | Actualités

La rencontre entre Christian Gourcuff et Guy Novès

Serge Blanco, habilleur officiel du FC Lorient et du Stade Toulousain, a permis de rapprocher football et rugby l’espace d’une rencontre entre deux entraîneurs emblématiques et aux philosophies similaires. Les deux hommes se sont rencontrés il y a quelques semaines à Toulouse.

L’envie était forte des deux côtés. La curiosité de l’un, l’envie de partager de l’autre. Et vice-versa…Dès la première poignée de main, le courant passe. Tant de points communs rapprochent ces deux hommes. L’âge d’abord, ils ont une petite année d’écart. La passion ensuite. Ils baignent dans leur sport respectif depuis près de quarante ans, comme joueurs, puis de façon assez évidente comme entraîneurs. Ce que l’on sait moins, c’est qu’ils ont été également tous deux enseignants, les maths pour Christian Gourcuff, l’éducation physique pour Guy Novès. Le « vous » fait vite place au « tu ». Ils ne s’étaient jamais rencontrés, mais semblent déjà se connaître.

Christian Gourcuff, vous sembliez très curieux de rencontrer Guy Novès et de découvrir un club de rugby de l’intérieur ?
Tout d’abord, n’ayant pas vraiment de culture  « rugby », j’avais effectivement très envie de venir à la découverte d’un univers à priori très différent du mien, même si je savais que par certains côtés, nos sports sont finalement plus proches que ce que l’on peut penser. L’aspect collectif bien sûr, mais l’idée que je me fais du travail de Guy, sa vision du jeu, l’identité d’un club qui perdure, l’idée d’une ligne de conduite qui permet à l’esprit du sport de se prolonger au-delà des générations de joueurs, c’est exactement ce que j’essaye de faire à Lorient. Finalement, nous sommes tous les deux au cœur d’une aventure humaine qui s’inscrit dans l’histoire d’un club.

Guy, êtes-vous surpris que l’entraîneur d’un club de football puisse s’intéresser d’aussi près au fonctionnement d’un club de rugby ?
Non, je ne suis pas surpris par la curiosité de Christian, d’autant que j’avais très envie moi-même de le rencontrer. Je pressentais, et je m’en rends compte aujourd’hui, que malgré les différences entre nos deux sports, nous sommes finalement très proches. Nous avons la même mission : manager nos groupes respectifs, donner le meilleur de nous-mêmes afin d’obtenir le meilleur de nos joueurs. Je découvre Christian, sans vraiment le découvrir.

En quoi peut-on comparer vos deux clubs ?
CG : Même si nous avons à peu près le même budget de fonctionnement, il y a une grosse différence en terme de hiérarchie. Le Stade Toulousain est ce qui se fait de mieux en rugby en France et en Europe. Le FC Lorient est un club qui en train de construire son histoire en Ligue 1. Nous avons un peu de marge encore avant de pouvoir rivaliser en matière de palmarès (rires). Au niveau des installations, nous n’avons pas à rougir, notre stade a quasiment la même capacité que celui du Stade Toulousain et nous avons la chance, nous aussi, d’inaugurer prochainement un tout nouveau centre d’entraînement assez proche de celui de Toulouse que Guy vient de me faire visiter.

Vous êtes un peu envieux du Stade Toulousain ?
CG: Non, ce club a une histoire, un palmarès, une reconnaissance. Tout ça se mérite. C’est le résultat d’un investissement sur le long terme, d’années de travail dans une continuité. Il est impératif de garder une ligne conduite.

GN : Le Stade Toulousain est un club qui repose sur des valeurs, mais il repose aussi sur des hommes qui transmettent ces valeurs. La quasi-totalité des éducateurs, entraîneurs de l’ensemble des équipes, des plus jeunes à l’équipe première, sont des anciens joueurs du Stade. C’est l’identité même du club qui est transmise en permanence, de génération en génération.

En quoi vos démarches sont-elles différentes ?
GN : Au travers de mes discussions avec Christian, je me rends compte qu’il a la mainmise totale sur son club, sur ses joueurs. J’ai le sentiment que dans le rugby, les staffs sont plus élargis et les rôles plus répartis. J’ai la chance d’avoir à mes côtés deux entraîneurs, Jean-Baptiste Élissalde et William Servat ainsi qu’une équipe de préparateurs physiques auxquels je délègue beaucoup. Je pensais que les clubs de football fonctionnaient sur le même modèle, mais je ressens que Christian est vraiment le boss à Lorient et qu’il dirige, supervise et contrôle personnellement tout l’aspect sportif.

CG : Dans le football, nous sommes obligés de gérer un effectif comme on gèrerait les actifs d’une société. Quand on achète un joueur, on pense à ce qu’il va nous apporter sur le terrain à court et à moyen terme, mais à plus ou moins long terme on anticipe sa valeur de revente et la perspective de plus-value. C’est comme ça qu’on fait grandir un club comme le FC Lorient.

GN : Au rugby, c’est différent, les transferts sont encore exceptionnels et on a la chance de pouvoir travailler dans la durée, une notion qui me semble plus relative en football. Quand on prend un joueur, c’est pour ce qu’il va nous apporter sur le temps de son contrat. Notre effectif est constitué d’environ 30 % de joueurs issus de la formation et on complète avec des joueurs confirmés. Les étrangers qui viennent jouer chez nous restent la plupart du temps plus de cinq à six ans ici et créent des liens très forts avec les gens. Le partage, l’échange sont des notions essentielles en rugby. Mais finalement, on travaille avec la même matière première : les hommes. Il faut en permanence s’adapter aux individus, quels qu’ils soient, et obtenir d’eux ce qu’il y a de meilleur, les faire travailler ensemble, les uns pour les autres. Nous ne sommes pas que des techniciens qui appuyons sur des boutons. Nous n’avons pas affaire à des machines. Nous sommes confrontés à la fragilité, à la complexité et la richesse de l’être humain. Nous devons trouver les clés pour fournir à chacun ses meilleures armes pour devenir plus fort au service du collectif.

Votre passé commun d’enseignant vous a-t-il naturellement conduit à devenir entraîneur ?
CG : Étant prof de maths, il n’y avait pas vraiment de lien… C’est plus l’histoire d’une passion du jeu de football, et la suite logique donnée à une carrière de joueur pour peut-être en évacuer certaines frustrations et surtout la prolonger. Mais le fait d’avoir été enseignant donne sûrement un avantage pour l’approche pédagogique.

GN : Pour ma part, je ne savais pas que je ferais ce métier un jour. J’en étais très loin au départ. C’est un concours de circonstances qui m’a amené à entraîner. D’abord des très jeunes, puis des moins jeunes, jusqu’à l’équipe Une. Mais comme le dit justement Christian, ayant transmis pendant plus de vingt ans dans ma carrière d’enseignant, je me suis toujours senti à l’aise dans l’échange. J’ai transmis toute ma vie, même si aujourd’hui j’ai plus le sentiment d’accompagner que d’enseigner.

Votre longévité à la tête de vos clubs est exceptionnelle, au sens propre du terme, dans l’univers du sport professionnel. Quelles sont les raisons de votre fidélité à vos clubs respectifs ?

CG : En ce qui me concerne, c’est lié à mon attachement à ma région, à une histoire d’hommes et à l’histoire du club dans lequel je m’inscris.

GN : Pour moi aussi, il s’agit d’une aventure humaine. Je suis intimement lié aux gens avec lesquels je travaille, que j’ai choisis. J’ai eu de multiples possibilités de changer de club tant au plan national qu’international, mais quand vous donnez comme je donne pour le Stade Toulousain et que vous avez en retour la confiance des joueurs, des dirigeants, du public, on s’y retrouve largement. J’aurais beaucoup de mal à reconstruire ou retrouver ailleurs ce que j’ai bâti ici. Quand vous démarrez à la rame dans un canoë et que des années plus tard vous êtes à la barre d’un si beau paquebot dont vous connaissez tous les recoins, il est très difficile de quitter le navire.

Vous entraînez tous les deux depuis plus de vingt ans. Combien de temps vous voyez-vous encore entraîner ?
CG : Je ne sais pas. Je ne me suis fixé aucune limite, c’est avant tout une histoire de passion. Mais tant que la passion et l’envie sont là, tant que j’ai la « banane » en allant retrouver mes joueurs sur le terrain, je continuerai.

GN : C’est une question que l’on me pose souvent. Au-delà du contrat qui me lie au Stade Toulousain, ce qui est important c’est la notion de plaisir. J’ai la chance de faire un métier que j’ai choisi, même si je ne pensais jamais faire ça un jour. Nous sommes des privilégiés. Malgré le grand investissement personnel et les efforts que cela demande, je n’ai pas vraiment l’impression de travailler en venant au stade. Nous exerçons un métier passionnant et valorisant. Avec mon staff, nous avons la possibilité de travailler dans la durée, dans la confiance et dans une ambiance presque familiale. On crée des liens très forts entre les hommes. Tant que j’aurai la confiance des joueurs et des dirigeants, j’aurai l ‘envie de continuer.

CG : Tu parles d’ambiance familiale, cette notion est très importante à mes yeux et c’est un point commun entre nos deux clubs. Cette ambiance est ce qui permet de construire mais surtout de durer, de traverser les tempêtes, de mieux gérer les défaites et de se projeter vers les victoires.

Autre point commun, vous avez tous deux dans votre entourage très proche des sportifs de haut niveau (Yoann Gourcuff, fils de Christian et Vincent Clerc, gendre de Guy). Êtes-vous inquiets pour eux de l’avenir du sport professionnel et de certaines de ses dérives ?
CG : Non, absolument pas. Pratiquer un sport et pouvoir en faire son métier reste une chance exceptionnelle, même si l’environnement extérieur est parfois difficile à supporter.

GN : Ce sont les médias qui véhiculent la plupart des clichés du sport professionnel. Si vous voulez parler du dopage par exemple, ce n’est pas un cas isolé qui doit porter ombrage à toute une discipline.

Enfin, vos clubs respectifs sont habillés par SERGE BLANCO. Quelle importance attachez-vous à l’élégance de vos joueurs ?
CG : Avant tout, je pense à ma propre élégance (rires) et nous sommes ravis du partenariat avec la marque SERGE BLANCO dont nous sommes fiers de porter les vêtements.

GN : Nous attachons beaucoup d’importance à l’image que nous véhiculons sur le terrain mais aussi en dehors, et SERGE BLANCO nous permet d’être l’une des équipes les plus élégantes du Top 14. Je fais appel aux spécialistes de la mode, Clément Poitrenaud par exemple, pour définir avec la marque les tenues officielles d’avant et d’après-match, afin qu’elles soient adaptées au goût des joueurs et qu’ils les portent avec le plus de plaisir possible.


La rencontre entre C.Gourcuff et G…

 

25/06/2013Christian Gourcuff à la rencontre de Guy Novès

 

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