A l’occasion de la rencontre Olympique de Marseille – FC Lorient de dimanche soir, nous avons souhaité prendre des nouvelles d’un ancien joueur passé par les deux clubs. A savoir Larry Azouni. Le milieu de terrain offensif, passé au FC Lorient lors de la saison 2013-2014, revient sur son parcours, ses expériences à l’étranger et son amitié avec Laurent Abergel. Entretien.
Larry, comment vas-tu ?
Tout va très bien, merci. Je suis en Arabie Saoudite depuis le début de la saison. Ça se passe plutôt bien donc je suis content. Je suis en famille, comme depuis mes débuts. Ma femme me suit depuis mes 18 ans, elle était déjà avec moi quand je jouais à Lorient. On a eu la chance d’avoir notre premier garçon il y a cinq ans et notre fille a fêté ses 3 ans lundi dernier.
Pourquoi as-tu fait le choix de rejoindre l’Arabie Saoudite ?
Ça faisait un petit moment que je souhaitais aller dans les pays du Golfe. Quand j’ai fini ma saison à Madère, au Portugal, nous sommes descendus en deuxième saison. J’avais signé pour trois ans là-bas mais j’ai résilié mon contrat au bout d’une saison. Je savais que le moyen le plus simple pour rejoindre ces pays-là était de faire étape en Tunisie notamment. J’ai eu la chance de signer au Club Africain et au bout de deux ans j’ai pu rejoindre l’Arabie Saoudite.
Dans quelle ville vis-tu ?
Je suis dans une ville en plein désert qui s’appelle Al-Majma’ah, à deux heures de la capitale en voiture. La vie ici est un peu ennuyeuse car il y a peu de choses à faire mais elle est paisible.
Aujourd’hui tu évolues en deuxième division saoudienne, à Al-Faisaly…
Oui, c’est ça. Le niveau y est vraiment bon. On a le droit à sept étrangers par équipe, il y a beaucoup de Brésiliens. C’est vraiment un bon niveau.
Sens-tu une certaine évolution du football professionnel dans ce pays ?
Oui, forcément. L’image a changé mais cela ne suffit pas. En plus de pouvoir se permettre d’acheter de grands joueurs, ils ont aussi une manière intelligente de fonctionner avec des directeurs sportifs et des entraîneurs étrangers. Ce n’est pas encore carré car ce système est encore jeune, deux ans, mais d’ici quelques années, avec encore du travail car l’argent ne fait pas tout, je pense qu’ils pourront faire partie des meilleurs championnats du monde.
Comment juges-tu le niveau et les infrastructures ?
Je vais comparer avec la Ligue 2 française car j’ai très peu joué en Ligue 1. L’équipe championne de mon groupe finirait dans les trois premiers de Ligue 2. Mon équipe peut jouer le milieu de tableau voire les places de barragistes en Ligue 2. Pour les installations, je ne dirai pas que c’est du haut niveau partout. Il y cinq, six clubs au top, le mien notamment, avec des infrastructures mieux que certaines équipes européennes que j’ai pu faire. Chaque week-end, les pelouses sont des billards. Le point noir, c’est qu’il n’y a personne au stade.
Il n’y a une ferveur que pour les plus grosses formations…
Oui, c’est ça. Les cinq, six premiers clubs, les plus connus avec les stars. Ils arrivent à remplir les stades, à faire de beaux tifos, mettre de l’ambiance. En Ligue 2 française, il n’y a pas non plus une énorme ferveur partout mais ici on peut jouer devant 1500 personnes. C’est un peu frustrant pour la motivation notamment pour moi qui ai connu de chaudes ambiances comme à Nîmes ou en Tunisie.
Avant de rejoindre l’Arabie Saoudite, tu es passé par la Belgique, le Portugal et la Tunisie. De simples opportunités ou une envie de découvrir d’autres footballs ?
Après Lorient, j’y étais arrivé jeune en prêt, j’étais frustré de ne pas avoir eu beaucoup de temps de jeu en Ligue 1. Mon seul objectif était d’aller en Ligue 2 et je pense que j’ai eu raison. C’est un très bon championnat. J’ai fait trois ans à Nîmes qui se sont très bien passés. J’aurais aimé signer en Ligue 1 mais cela ne s’est pas fait. L’opportunité s’est donc présentée en D1 belge, à Courtrai. En Belgique, tout s’est bien passé sauf l’adaptation lors de la première saison. J’ai honoré mon contrat et à la fin de celui-ci j’avais plusieurs possibilités pour rester en Belgique mais j’ai eu un appel du Portugal, un club promu en première division, le Nacional Madère. Le coup de fil du coach a été décisif. Il me voulait à tout prix et savait comment me faire jouer. Je n’ai même pas écouté les autres clubs, je voulais seulement aller là-bas. Je joue 30 matches, dans des stades magnifiques : au Benfica, au Sporting, à Porto…J’ai beaucoup aimé le Portugal, sans parler du cadre de vie à Madère. Niveau football, c’est tout ce que j’aimais avec des équipes qui ressortent de derrière, qui cherchent à jouer, avec des profils comme le mien qui veulent la possession. Mais malheureusement, nous sommes descendus.
Le passage en Tunisie était plus un retour aux sources avec un aspect familial particulier…
J’avais deux objectifs : revenir en équipe nationale et rejoindre les pays du Golfe ensuite. Je pensais qu’en revenant au pays, en faisant de bons matches, j’aurais plus de facilités pour retrouver la sélection. Malheureusement, pour la Coupe du Monde 2022, ce fut trop court même si j’étais dans les pré-listes. Pour la suite en Arabie Saoudite, j’ai pu l’atteindre. Je retiens quand même aussi, malgré le folklore en Afrique, des derbies chauds, de superbes ambiances. Quand tu gagnes le week-end, tu es le roi de la ville. Ça ressemble beaucoup à Marseille. Le résultat des matches joue sur le moral de la population.
Tu auras eu une riche carrière en termes d’expériences…
Oui, pourtant ce n’était pas prévu. Je me voyais faire 15 ans à l’OM. La carrière est faite de rebondissements. Quand je regarde dans le rétro, c’est bien d’avoir connu ces différentes cultures, ces différents championnats. Je ne regrette pas du tout. J’espère en connaître d’autres.
Serais-tu prêt, à 30 ans, à redécouvrir un nouveau championnat ?
Je suis ouvert à tout. Ça ne me dérangerait pas de rester dans les pays du Golfe. Il y a une certaine aisance financière, on ne va pas se mentir. Passer un certain âge, je n’ai pas fait une énorme carrière, je suis réaliste, mettre ma famille à l’abri devient quelque chose d’important. Si je peux allier ça avec un championnat de bon niveau, de belles infrastructures, de bonnes conditions, je suis prêt à rester quelques années ici.
A Courtrai, tu as côtoyé un certain Terem Moffi. Que penses-tu de ce joueur ?
Il arrive lors de ma deuxième saison. Je me souviens bien de Terem. Il avait mis pas mal de buts en Lituanie. Il a eu un peu de mal au début mais on voyait déjà sa qualité de puissance, c’était assez fou. Je me rappelle d’un match qui a tout changé pour lui : c’était Bruges à domicile, la meilleure équipe de Jupiler League. Il avait face à lui deux des meilleurs défenseurs du championnat et il leur a mis la misère tout le match. A partir de là, on a vu le vrai Terem. Il est rapidement parti ensuite sur Lorient. Je ne suis pas surpris de son évolution.
As-tu évolué au côté de Montassar Talbi en sélection ?
Non, mais on se connaît très bien. On s’est croisé plusieurs fois en Tunisie, on a partagé le même agent aussi à un moment. Quand je peux, je regarde les matches. Je suis très content pour Montassar même si cette saison entre ses blessures et les résultats, c’est plus compliqué. L’an passé, il a fait une grande saison. Il est encore jeune mais je lui vois un bel avenir.
Quels souvenirs conserves-tu de ta formation marseillaise avec Laurent Abergel ?
Il est un an plus âgé que moi mais on a beaucoup joué dans les mêmes équipes. En plus, on était à l’école ensemble, au collège, au lycée, on se voyait en dehors, on partait en vacances ensemble. On est très proches depuis que l’on a 12-13 ans. Des souvenirs, j’en ai beaucoup trop pour n’en sortir qu’un. Je suis très fier et content de « Lolo », de ce qu’il réalise à Lorient. C’est limite devenu une légende du club. En plus d’être un bon garçon, c’est un bosseur et un très bon joueur. J’espère que l’on va se voir rapidement pendant les vacances.
Il y avait Raffidine Abdullah avec vous également…
Oui, exact. « Raffi » est aussi de 1994 comme moi, souvent surclassé. Il était aussi très proche de Laurent également. A chaque fois que je l’ai au téléphone, on reparle de notre année commune au FC Lorient. Ça nous a marqué. Nous étions les deux petits jeunes qui quittaient leur cocon familial pour la première fois. On a dû se serrer les coudes et s’entraider. Aujourd’hui on en rigole car c’était difficile. Cette saison nous aura bien servi pour devenir les joueurs et les hommes que nous sommes aujourd’hui.
Tu es prêté une saison au FC Lorient en 2013-2014. Quel bilan as-tu fait de ton passage chez les Merlus ?
Je n’ai aucun regret sur ce passage. J’ai énormément appris pendant cette saison avec Christian Gourcuff. A l’époque, c’était une chance pour moi de pouvoir le côtoyer. Sylvain Ripoll également. J’ai surtout eu le privilège de jouer avec des gars comme Mathieu Coutadeur, Jérémie Aliadière, Grégory Bourillon, Raphaël Guerreiro, Yann Jouffre, Bruno Ecuele Manga, Vincent Aboubakar…On réalise l’une des meilleures saisons de l’histoire du club. C’était difficile de s’y imposer, surtout que pour mon premier match, je prends un rouge à Bastia peu de temps après mon entrée en jeu. Je ne jouais pas forcément à mon poste. Il aurait fallu que je saisisse ces opportunités…Mais je finis quand même champion avec la réserve du club, avec Franck Haise comme coach à l’époque. Ça m’a beaucoup servi. Je n’avais connu que Marseille, je jouais en équipe de France. Tout allait bien pour moi, j’étais sur mon nuage, jusqu’à mon arrivée à Lorient. Ici, ça m’a mis un coup sur la tête. Je me suis dit que ça allait être compliqué et qu’il allait falloir travailler dur. Au premier obstacle, je me dis qu’il y en aurait d’autres et il faudra être prêt. Mais je ne garde que de très bons souvenirs de Lorient.