4 Déc 2016 | Actualités

Loïc Féry : « Préserver les grands équilibres du club »

Au lendemain de la clôture du marché des transferts, le Président du FC Lorient revient sur les dernières heures agitées du Mercato,  livre ses explications sur le départ de Mario Lemina à l’OM et rappelle les objectifs du FCL.

Président, Christian Gourcuff a fait part de sa profonde déception suite au transfert de Mario Lemina. Quelle est votre réaction ?
Le FC Lorient doit énormément à Christian Gourcuff, son Entraîneur Général. Depuis 20 ans, il a contribué fortement à la progression régulière du club. Je suis très heureux de notre travail ensemble depuis bientôt 4 ans. En tant qu’entraîneur passionné et en tant qu’homme sincère, je peux complètement comprendre sa déception suite à la perte d’un jeune joueur au grand potentiel, avec lequel il avait encore peu eu l’occasion de travailler. Je respecte totalement sa déception, légitime. Par contre, il me semble qu’il est aussi de la responsabilité de tous les employés du club de protéger en toute circonstance l’institution FC Lorient, que Christian Gourcuff a tant contribué à développer. J’aurais donc souhaité que Christian Gourcuff ne réagisse pas publiquement comme il l’a fait, car il a mis sur la place publique des considérations internes à l’entreprise FC Lorient. Cette situation n’est agréable pour personne, et je pense en premier lieu à nos supporters et à nos partenaires, mais aussi à tous les employés du club qui défendent au quotidien l’image de notre club. Par ailleurs, comment penser que j’ai pu prendre la décision de transférer Mario Lemina de gaîté de cœur ? J’aurais évidemment préféré ne pas avoir à expliquer à mes fils pourquoi Mario, qu’ils aimaient tant, comme la plupart de nos supporters, devait filer à l’OM. Je comprends la déception des supporters, car Mario Lemina incarnait la jeunesse lorientaise. Mais les paramètres budgétaires sont de ma responsabilité. Dans l’environnement actuel, je suis convaincu que la quasi totalité des présidents de Ligue 1 auraient aussi accepté une offre valorisant un joueur de 19 ans ayant joué une dizaine de matches de Ligue 1 à 5 millions d’euros avec une participation à une éventuelle revente et l’arrivée de deux joueurs également prometteurs. A moins d’être oligarque et/ou de considérer un club de football comme une « danseuse », ce qui n’est pas mon cas, la réalité comptable est un facteur qu’il n’est pas possible d’ignorer dans le football moderne. Le FC Lorient est indéniablement un club qui s’est fortement structuré ces 4 dernières années, fruit de nombreux investissements que j’ai assumés (investissement joueurs, masse salariale, financement de nos infrastructures, notamment Espace FCL): malheureusement nous ne pouvons pas vivre au-dessus de nos moyens.  

Christian Gourcuff semble indiquer qu’il n’a pas été consulté dans cette décision. Est-ce le cas?
Comment peut-on aussi imaginer que je me priverais d’échanger avec Christian Gourcuff sur une décision sportive, comme je l’ai toujours fait depuis mon arrivée au club? Les propos de Christian Gourcuff ont été sortis de leur contexte. Nous avons évidemment échangé dès que j’ai eu connaissance de cette possibilité de transfert. Oui, Christian ne souhaitait pas le départ de Mario Lemina, et il me l’a dit quand je l’ai consulté. Moi non plus je ne le souhaitais pas, mais il n’y avait pas d’autres solutions. Ce transfert permettait de garantir l’équilibre financier du club, sans prendre de risques inconsidérés sur le futur du FCL. Plus précisément, j’ai informé Christian Gourcuff à 36 heures de la fin du Mercato du fait que deux clubs allaient peut-être nous faire des offres importantes sur deux de nos joueurs majeurs – dont Lemina – et que je devrais certainement, comme expliqué plus haut, me résoudre à accepter l’une de ces deux offres, si les joueurs concernés étaient aussi d’accord, car il faut trois parties en phase pour réaliser un transfert. Durant cette conversation, Christian Gourcuff m’a indiqué qu’il ne souhaitait pas envisager ces départs. Il a aussi déploré ce marché des transferts où tout arrive au dernier moment, et – plus ennuyeux- m’a indiqué qu’il ne voulait pas participer avec moi et avec la direction du club à une réflexion pour identifier en dernière minute d’éventuelles solutions de renfort en cas de départ. Au final, seule une offre s’est matérialisée, celle de l’OM pour Mario. Ne pouvant compter sur l’implication de Christian Gourcuff, j’ai décidé de ne pas recruter dans la précipitation, au-delà des arrivées prometteuses d’Abdullah et Azuni, que l’OM proposait dans le transfert de Mario. Nous aurons toujours la possibilité d’engager un joker si le besoin se fait sentir.

Etait-ce la bonne décision?
C’est très facile de critiquer, mais la gestion d’un club professionnel dans l’environnement actuel, ce n’est pas comme jouer a Football Manager !  Les enjeux pour le FCL, dans un marché très difficile, étaient trop importants pour ne pas accepter ce transfert. J’ai toujours assumé les choix que j’ai faits. J’ai jugé qu’accepter le transfert était la bonne décision pour le futur du FC Lorient, dans la mesure où cette offre répondait à un besoin d’équilibre financier et que l’OM nous associait a l’éventuelle revente de Mario Lemina dans le cadre du transfert et, enfin, que l’OM nous proposait dans la transaction deux joueurs qui ont le potentiel pour évoluer un jour au niveau de Mario puisqu’ils sont aussi internationaux français en U19.

La formation reste au cœur du projet du FC Lorient…
Absolument. Et je tiens à sincèrement remercier nos formateurs qui font un excellent travail sous la houlette de Régis Le Bris, Directeur du Centre de Formation. Aujourd’hui, à l’instar de Christian Gourcuff qui les chapeaute, nos formateurs sont évidemment déçus du fait que Mario Lemina ne poursuive pas sa progression au sein de l’équipe du FCL. Ils peuvent être fiers aussi, car dans une certaine mesure, c’est grâce à leur travail si le FCL a pu conserver ses joueurs majeurs cet été (par exemple Jérémie Aliadière, Bruno Ecuele Manga ou Alain Traoré pour ne citer qu’eux). La formation est au cœur du projet à long terme que je porte pour le FCL. Ce transfert ne fait que légitimer davantage  les efforts importants d’investissement que j’ai faits pour rendre possible la construction de l’Espace FCL, pour que le club dispose désormais de « l’un des centres les plus modernes de France », selon les dires de François Blaquart, le Directeur Technique National de la Fédération Française.  Ceci dit, notre objectif à l’avenir sera de continuer à adapter plus encore le modèle du club afin que les meilleurs jeunes formés à l’Espace FCL puissent évoluer plusieurs années dans l’équipe première du FCL. 

Est-il vrai que vous avez proposé à Mario Lemina de rester au FCL en dépit de l’offre de l’OM?
Il y a quelques jours, son départ n’était pas envisagé car il semblait toujours vraisemblable que nous allions pouvoir transférer d’autres joueurs, mais j’avais aussi informé Mario avant le match à Lille de mon souhait de revaloriser son contrat. Quand l’OM, en toute fin de Mercato, nous a fait part de son intention de formuler une offre pour le recruter et que j’ai décidé de considérer cette offre, j’ai eu une conversation avec Mario en lui expliquant que j’étais prêt à le garder s’il souhaitait rester. Après avoir réfléchi et consulté ses proches, Mario m’a fait part de sa décision, à savoir accepter le transfert. Je lui souhaite sincèrement bonne chance là-bas, où il retrouvera plusieurs anciens du club, en espérant qu’il réussira à s’imposer. Sa réussite sera aussi celle de la formation du FCL.  

De façon plus générale, quel éclairage portez-vous sur les derniers mouvements enregistrés en fin de Mercato ?
La période de transferts qui vient de s’achever est révélatrice de la crise profonde que traversent les clubs professionnels, en France notamment. Une grande partie des mutations réalisées durant ce Mercato se sont faites dans ces derniers jours. Très peu de mouvements ont été enregistrés au global: au-delà des “super transferts” qui ne concernent seulement que les “stars” comme Falcao ou Bale et des « super potentiels » (Thauvin, Digne, Lemina…), il n’existe plus de marché profond pour la grande majorité de nos effectifs. Dans un contexte où les revenus des clubs baissent (TV, partenariats, billetterie), et où les salaires pèsent toujours très lourd dans les charges des clubs, il est quasiment impossible pour un club de Ligue 1 d’équilibrer un compte de résultat, sans procéder à des ventes de joueurs qui permettent de dégager un réel excédent sur la valeur résiduelle d’achat, venant combler les pertes d’exploitation, dues essentiellement à la masse salariale joueurs. En d’autres termes, même à Lorient, où le modèle économique que j’ai mis en place s’efforce d’avoir des salaires fixes modérés avec une grosse part de variable, nous n’atteignons pas encore un équilibre d’exploitation récurrent et il est donc nécessaire de procéder de temps à autres à des mutations de joueurs. Je n’ai jamais caché que je souhaitais un modèle équilibré pour le FC Lorient.

Quelle était la stratégie pour le Mercato cet été?
En ce qui concerne notre politique de transferts, les équipes du club ont travaillé ardemment tout l’été pour essayer de réaliser des ventes de joueurs identifiés (excluant nos cadres) dans le cadre d’un plan d’actions validé fin mai avec Christian Gourcuff. Après avoir réalisé les transferts de Benjamin Corgnet et d’Innocent Emeghara, conséquences de choix sportifs assumés n’ayant cependant pas permis de dégager un excédent, nous avons dû nous rendre à l’évidence dans les derniers jours du Mercato : les ventes “planifiées” ne se matérialisaient pas. Mon rôle de chef d’entreprise et d’actionnaire du club a donc été d’être pragmatique, en considérant la seule offre que nous avions, celle de l’OM pour Mario Lemina. J’ai pris une décision de gestion préservant les grands équilibres du club, qui protège aussi au maximum la compétitivité sportive du groupe. Car l’équilibre financier du club, c’est la pérennité. Sans pérennité, pas d’espoir de progresser ni de vivre pendant longtemps les émotions du plus haut niveau. Je n’aurais pas pris cette décision si j’avais eu le sentiment qu’elle mettait grandement en danger notre compétitivité sportive. Le marché atone a été une réalité affectant tous les clubs français, dont nous devrions voir les conséquences à nouveau en fin de saison car il y aura selon moi d’autres victimes de cette crise, comme l’ont été récemment Sedan, Le Mans et Rouen.

Quels objectifs nourrissez-vous pour le FC Lorient cette année?
Si on analyse calmement notre Mercato, il me semble que le bilan est beaucoup plus positif que les commentaires exagérés que j’ai pu lire à gauche et à droite ces dernières heures, suite au départ de Lemina, qui ne peut pas occulter le travail important réalisé cet été par les équipes du club.  Côté départs, nous avons à peu près retrouvé les montants investis sur Benjamin Corgnet et Innocent Emeghara et avons dû comme on l’a vu consentir au départ de Mario Lemina. Par ailleurs, nous avions plusieurs fins de contrat (Le Lan, Mareque, Giuly)  et avons souhaité prêter plusieurs jeunes très prometteurs du FCL : Mathias Autret, Rémi Mulumba, Benjamin Lecomte et Cheik Touré. D’un autre côté, le FCL s’est renforcé avec les arrivées de Vincent Aboubakar, dont l’arrivée est pleine de promesses, de Sadio Diallo que Christian Gourcuff souhaitait déjà recruter l’an dernier, de Raphaël Guerreiro, qui était dans l’équipe type de Ligue 2 l’an dernier ainsi que de jeunes très prometteurs comme Baptiste Reynet, Rafidine Abdullah et Larry Azouni. Mon ambition pour le FC Lorient est réelle, mais réaliste. Nos objectifs sont donc réalistes: comme tous les ans, je veux que l’équipe fasse la saison la plus aboutie possible, mais on sait tous que cela commence par l’obtention du maintien au plus vite, afin d’ensuite pouvoir prétendre a des choses plus intéressantes.  Je suis convaincu que notre effectif est au moins aussi talentueux que celui que nous avions à disposition pendant toute la saison dernière, durant laquelle le club s’est classé 8ème. Une manière de résumer notre Mercato est de constater que nous sommes certainement mieux armés devant (avec Aboubakar et Diallo, en plus d’Aliadière, Traoré, Robert, Quercia voire Sunu) et derrière (avec Guerreiro et surtout le fait de bénéficier de Bruno Ecuele Manga toute la saison, qui doit être un vrai plus car je suis convaincu qu’il va revenir à son meilleur niveau). Quant au milieu de terrain, nous sommes certainement moins armés sur le papier que l’an dernier avec les départs de Romao et Lemina mais il appartiendra aux joueurs présents dans l’effectif (Coutadeur, Bourillon, Lautoa, Reale, Abdullah, Azouni entre autres) de saisir leur chance et de répondre présent si Christian Gourcuff fait appel à eux.

Ces dernières heures ont été difficiles pour vous aussi ?
Etre président d’un club professionnel, c’est beaucoup de bonheur pendant quelques rares instants, beaucoup de frustration quand le résultat n’est pas celui attendu, mais c’est aussi et surtout une lourde responsabilité. Sans compter les prestataires, nous employons plus de 130 personnes et il est nécessaire d’en tenir compte pour ne pas jouer impunément avec l’avenir du club. Je dois dire que j’ai été affecté par les réactions qui ont suivi le transfert de Mario Lemina. Vendre un joueur n’est pas un crime, surtout quand la décision est prise par celui qui paye et qui est donc au final responsable de la survie du club dans un environnement économique vraiment compliqué. Dans les moments hauts comme dans les moments bas, j’aimerais que tous les amoureux du FCL ne perdent pas de vue ma stratégie a moyen et long terme : depuis 4 ans, j’investis dans le FC Lorient et je m’attache à pérenniser le FCL dans l’élite du football français afin qu’une ambition soit possible et que nous puissions vivre au Moustoir et ailleurs ces émotions fortes que le maillot du FCL nous procure.  C’est le seul objectif que je me suis fixé. J’aime le FCL: j’ai une confiance énorme dans toutes les forces vives du club et suis convaincu que nous pouvons réaliser une belle saison, avec le soutien de tous nos supporters, que je tiens encore à remercier pour leur fidélité au club de leur cœur. Il faut maintenant se montrer solidaires et responsables, mobiliser toutes les énergies, sur le terrain comme en dehors, pour que le FCL réussisse une belle saison, notre objectif commun. 

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