2 Mar 2024 | Actualités

Pascal Bédrossian et le rêve américain

A l’occasion de la rencontre Stade Rennais FC – FC Lorient de ce week-end, nous avons souhaité prendre des nouvelles d’un ancien joueur passé par les deux clubs. A savoir Pascal Bédrossian. Le milieu de terrain offensif marseillais, passé au FC Lorient de 1998 à 2004, revient sur ses années dans le Morbihan et évoque surtout sa vie aux Etats-Unis, plus précisément à Chicago. Entretien.

Pascal, nous allons commencer par vos occupations. Que devenez-vous ?
Ça fait maintenant vingt ans que je vis aux États-Unis. J’y ai rencontré ma femme, qui est américaine, avec qui nous avons trois enfants. Aujourd’hui, je travaille au lycée français de Chicago en tant que conseiller d’éducation (CPE). Je suis également toujours resté très proche du football. Après mon travail, j’entraîne des équipes de jeunes et notamment celle de mon fils aîné, dans un petit club comme on peut en trouver en France, à côté de chez moi, dans la banlieue de Chicago. Il y a de tout, des niveaux totalement différents entre générations donc c’est super intéressant.

Pourquoi êtes-vous parti aux États-Unis ?
Je suis parti parce que j’ai toujours été attiré par les États-Unis, et ça depuis mon plus jeune âge mais sans raison particulière. Je ne sais pas trop pourquoi. Vraisemblablement, tous les sports US me plaisaient à cette époque, comme le basket avec Michael Jordan. J’étais parti pour aller un peu n’importe où. Tout s’est bien goupillé et je me suis finalement retrouvé à Chicago, dans la ville où Michael Jordan a joué la majeure partie de sa carrière.

Vivez-vous à Chicago même ou en banlieue ?
J’ai habité à Chicago même pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, je suis dans la banlieue nord-ouest de Chicago, mais à seulement trente minutes du centre-ville.

Vous avez d’ailleurs fait un passage en MLS à la fin de votre carrière…
Effectivement, j’y ai fait un bref passage en 2006-2007. Mais des blessures m’ont fait dire que la fin était proche, que le corps était fatigué même si j’étais encore assez jeune. Mais ayant commencé ma carrière assez tôt, le temps était venu pour moi de raccrocher. Aimant le foot par-dessus tout, j’ai commencé à passer mes diplômes d’entraîneur et aujourd’hui je suis titulaire de tous les diplômes nécessaires pour pouvoir entraîner en MLS. J’ai également entraîné au centre de formation des Chicago Fire (U14 puis U18). Je me suis tout de même rapproché du lycée français de Chicago car ils avaient besoin de moi pour travailler dans l’éducation. Être éducateur et entraîneur c’est vaste mais je m’y retrouve parfaitement, aujourd’hui, en tant que CPE au lycée de Chicago.

Votre passage en MLS a-t-il définitivement validé le fait de venir vivre aux États-Unis et convaincu d’y rester ?
Il y a de cela, forcément, mais il y a aussi le fait que j’y ai rencontré ma femme en 2007. Elle étant américaine, nous avons décidé de rester aux USA. Elle est venue une année en France du côté de Marseille, quand j’ai joué en DH avec les Arméniens de Marseille. Mais nous avons décidé ensemble de retourner aux États-Unis car sa famille et ses amis lui manquaient. On a fait le chemin inverse et nous sommes rentrés.

En quoi consiste donc votre poste de CPE, est-ce similaire à ce qui peut se faire en France ?
C’est similaire en effet. Le lycée français de Chicago est affilié au ministère de l’Éducation Nationale donc tout ce qui est fait chez nous aux USA, l’est également dans les lycées français en Métropole. On a le même curriculum, les mêmes vacances, les examens sont les mêmes, tout est identique.

Dans vos deux fonctions/occupations, vous côtoyez des jeunes. Est-c’est quelque chose qui vous tenait à cœur de travailler auprès d’eux ?
En premier lieu, ma passion reste le foot. Donc être avec des jeunes joueurs me permet de leur transmettre mon expérience et mon vécu. Travailler avec des élèves, ce n’est pas totalement identique que l’entraînement mais ça y ressemble forcément notamment au niveau de l’éducation pour les aider à grandir en tant que personne. Je m’y retrouve complètement dans mes deux activités.

Ressentiez-vous le besoin de transmettre l’expérience acquise durant votre carrière ?
Exactement. Non seulement ce que j’ai appris mais également les principes que l’on m’a inculqués en tant que joueur. J’ai fait des erreurs et aujourd’hui, ce que j’essaie de faire, c’est de leur expliquer les choses à faire et celles à éviter.

Vos élèves sont français, vos joueurs sont américains, est-ce donc mixte au quotidien ?
Exactement, il y a de tout au lycée. J’ai des élèves français, des américains, certains qui viennent d’ailleurs en fait. Ce sont des enfants d’expatriés, on a des élèves de toutes les cultures. C’est tout simplement génial.

Est-ce une expérience que vous aviez pu vivre dans les différents vestiaires fréquentés au cours de votre carrière ?
Ça y ressemble fortement. J’ai eu la chance d’évoluer avec des Africains, des Yougoslaves, des joueurs ayant des cultures radicalement différentes. Prendre de chacun nous aide à grandir.

Vous avez aussi fait un passage à Miami en tant qu’entraîneur adjoint…
Oui, c’est vrai. En 2010, un ancien coéquipier de Chicago, avec qui j’avais conservé de bons rapports, m’a appelé pour me dire qu’il avait été contacté par Miami pour en devenir l’entraîneur principal. Il m’a ainsi proposé de le suivre pour être son adjoint. J’en ai donc parlé avec ma femme, qui a donné son feu vert. Cette expérience n’a duré que six mois mais c’était génial. Nous nous sommes retrouvés à Miami, une ville sympa que tout le monde apprécie. Une bonne expérience.

Revenir un jour dans un staff de MLS, est-ce toujours dans un coin de votre tête ?
Oui, en MLS ou ailleurs. Le foot est ma passion. Aujourd’hui, j’adore ce que je fais. J’ai la chance de faire un travail que j’aime, mais si l’opportunité de revenir dans le foot se présente un jour, je ne vais pas dire que je n’hésiterais pas, mais j’y réfléchirais sérieusement.

Peut-on parler de rêve américain vous concernant ?
Bien évidemment, car quand on est enfant, venir aux États-Unis est un rêve. Déjà d’y aller en vacances c’est un rêve. J’ai eu l’opportunité et la chance non seulement d’y venir en vacances mais d’y rester, donc l’expression prend tout son sens.

Revenez-vous régulièrement en France ?
Non, je suis revenu l’été dernier à Marseille en vacances. Ce n’est pas évident car mes enfants sont assez jeunes (10, 9 et 6 ans) mais maintenant qu’ils grandissent, je vais essayer d’y revenir plus souvent, une fois tous les deux ans si possible.

Quel bilan tirez-vous de vos années de footballeur professionnel en France ?
J’ai un sentiment général d’inachevé. Aux yeux de certains, ma carrière fut une très bonne. A titre personnel, je pense qu’elle aurait pu être beaucoup mieux. On ne peut pas revenir dessus. Je ne veux pas m’apitoyer sur mon sort, mais il est vrai que ça aurait pu être largement mieux.

Lorsque vous étiez à l’AS Cannes, votre club formateur, vous avez fréquenté une très belle génération de joueurs : Johan Micoud, Luis Fernandez, Zinedine Zidane…
J’ai eu la chance et l’opportunité de m’entraîner avec Zidane mais je n’ai pas eu la chance de jouer avec lui. Luis Fernandez est le premier entraîneur à m’avoir fait débuter en professionnel. On avait été, avec l’AS Cannes dans les années 1990, élu plusieurs années d’affilée meilleur centre de formation de France. J’ai donc eu la chance d’évoluer avec des joueurs de talent comme eux, Patrick Vieira également. Je ne vais pas tous les citer car j’aurai peur d’en oublier et Je cite les trois plus grands. On avait une super génération, un super groupe.

Vous arrivez sur Lorient quelques année plus tard. Vous y restez six saisons (101 matchs). Que retenez-vous de vos années dans le Morbihan ?
Ce que je retiens principalement, c’est la victoire en Coupe de France en 2002. C’est unique. J’ai eu la chance de faire partie de la première équipe du FC Lorient a joué en première division. C’était contre l’AS Monaco en août 1998. J’ai eu aussi l’opportunité de rencontrer un entraîneur marquant, Christian Gourcuff. En toute honnêteté, je ne vais pas dire que nous avions de mauvais rapports mais nous nous sommes trop souvent mal compris. Malgré tout, il reste un entraîneur avec lequel j’ai pris le plus de plaisir aux entraînements, qui m’a appris le plus sur sa connaissance du football. Il y a eu des hauts et des bas car souvent, nous n’avons pas été sur la même longueur d’onde. Mais je savais que j’aillais apprendre des choses avec lui.

Êtes-vous toujours en contact avec des joueurs de cette génération ?
Avec certains oui, surtout ceux avec qui j’ai gagné la Coupe de France. Avec le temps, ce n’est pas qu’on oublie mais si on avait l’opportunité de se revoir, on recréerait du lien. La vie est faite ainsi.

Ces années à Lorient sont-elles les plus marquantes de votre carrière ?
Mes années les plus marquantes sont mes années à l’AS Cannes, car ce sont celles où j’ai découvert le monde professionnel. J’y suis arrivé en 1990, j’y ai joué mon premier match en professionnel en 1993. Evidemment, c’est une période marquante pour un jeune joueur. Mes années avec mon club formateur restent inoubliables et bien évidemment Lorient aussi par rapport à ce que j’ai décrit précédemment. J’espère qu’un jour les Merlus revivront un succès en Coupe de France. C’était mémorable.  

Vous avez fait une pige à Crozon dans le Finistère pour terminer…
Oui, c’est vrai. J’y avais joué quelques matchs à l’époque où je faisais beaucoup d’aller-retour entre la France et les États-Unis. La famille a ensuite pris les dessus.

Lors de votre saison à Rennes, vous avez côtoyé Régis Le Bris. Quels souvenirs gardez-vous de lui?
Je ne suis pas surpris de voir Régis à ce niveau. Il avait déjà, à l’époque, cette intelligence et l’envie d’étudier. Je lui souhaite vraiment de réussir et de maintenir le FCL au haut niveau pendant de nombreuses années.

Le FC Lorient a affronté Rennes ce dimanche au Roazhon Park, un de vos anciens clubs aussi. Est-ce que vous suivez, malgré l’éloignement, les résultats de vos différentes formations ?
Oui, je suis Cannes, Lorient et Rennes. Et bien évidemment, l’Olympique de Marseille puisque j’y suis né. En tant que Marseillais, mon cœur est toujours là-bas.

Vous avez dit précédemment avoir joué avec les Arméniens de Marseille. Avez-vous connu quelques sélections avec l’équipe nationale arménienne ?
Non mais l’équipe nationale d’Arménie m’a demandé de jouer pour elle. J’avais toujours le rêve, lorsque j’étais international espoir français, de peut-être devenir international A. A cette époque, à la différence d’aujourd’hui, lorsque vous étiez international espoir, il n’était plus possible de changer de sélection. Le fait d’avoir joué en Espoirs français m’a fermé les portes de l’Arménie. C’est dommage.

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